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Euripole est implanté dans la zone des Vauguillettes, située à Sens, dans l’Yonne. Connaissez-vous l’origine du mot Vauguillettes, ou celui de la rue de Chantecoq ?

Bernard Brousse, mémoire vivante de Sens et professeur, a répondu à toutes nos interrogations. Merci !

Zone des Vauguillettes

La zone des Vauguillettes surplombe la ville de Sens. En 1814, lors de la Campagne de France, ce sont des hauteurs de Saint-Sauveur que la ville fut bombardée.
Ce secteur a un passé à la fois agricole et religieux, ce qui explique la plupart des noms de ses voies actuelles. 
Si certaines dénominations sont assez claires, d’autres cependant ne le sont pas, et il y a toujours une part d’incertitude dans ce qui est proposé.

Boulevard de la Côte aux Pigeons

La dénomination est ici transparente et liée à la topographie du lieu et la présence de ces volatiles nombreux dans la région. On trouve ainsi une « Côte aux pigeons » à Passy et à Saligny.
On peut ajouter que jadis, un des endroits du territoire de Sens où il y avait les parcelles de vigne les plus importantes était à la Côte aux Pigeons. 

Boulevard des Noyers Pompon

Comme c’est souvent la règle, cet endroit où se trouvaient des noyers est associé au nom d’un des propriétaires d’alors, le sieur Pompon.
De plus, comme pour la Côte aux pigeons, il y avait un vignoble à cet endroit. Ce qui n’est pas contradictoire, car souvent les noyers sont associés aux plants de vigne. 
On peut penser que la cote du vin sénonais ayant baissé, le viticulteur pouvait pallier la moindre vente de celui-ci par celle de sa production d’huile de noix.

Boulevard des Vauguillettes

Augusta Hure écrit que « Vau vient de val, vallis, indique que le lieu se trouve situé dans une vallée, soit encore qu’il domine un coteau où le terrain s’abaisse et où l’eau s’écoule dans le vallon; et que « Les noms de vau sont accolés à quantité de noms dont le second terme achève leur signification ».
Elle ajoute : « Quilin, Guillain et Quil en Bretagne répondent à gai et plaisant. Ces termes furent appliqués à des lieux assis sur un versant ou sur une arrête de colline, et souvent dominant agréablement une vallée » .

Chemin des Grèves

Le mot « grève », d’origine gauloise et passé dans le latin populaire sous la forme « grava », désigne le sable, le gravier.
Les Grèves sont donc des lieux couverts de petites pierres, de sable ou de terre sableuse.
Un vignoble est mentionné aux Grèves.

Route des Clérimois

Comme son nom l’indique, cette route conduit à la commune des Clérimois. 
Celle-ci n’a été créé qu’en 1888 en prenant une partie des territoires des communes de Chigy et de Foissy sur Vanne. 
Augusta Hure écrit que « Les Clérimois, Cléri, Clairerie, Clérisses, Clérion, Clairion ont tous une même signification ; celle – ci répond à : qui reçoit beaucoup de jour, de clarté ou qui est lumineux et transparent, s’il s’agit d’un cours d’eau. » 

Rue de Chantecoq

Nous sommes dans un endroit élevé, à l’est de Sens, d’où le coq voit le lever du soleil et se met alors à chanter. 
Deux communes portent ce nom, l’une dans le Loiret, l’autre dans l’Aube. 
Un spécialiste de la Toponymie, Gérard Taverdet, y attribue une valeur négative en pensant que ce nom évoque un terrain juste bon à faire chanter cet animal.
Il est fait mention aussi d’un vignoble à cet endroit. 

Rue de Sancey

Le terme Sancey est cité sous la forme Sanceias en 980 ; on a aussi la forme Sancy ; il viendrait du nom de Sanctien, ce compagnon avec Béate et Augustin de sainte Colombe. 
Les trois premiers furent martyrisés peu de temps avant Colombe par l’empereur Aurélien en 274. Une église édifiée sur le lieu de leur exécution fut détruite par la Sarrasins en 731. Une seconde église fut construite, au lieu-dit Sanceias. Elle fut remplacée plus tard par un ermitage dédié à sainte Béate, et qui disparut au XIX° siècle.

Rue des Champs Pluviers

Le mot champ est issu du campus latin (plaine, terrain cultivé) et désigne une « « étendue de terre labourable ». 
Quant au pluvier, c’est un oiseau migrateur dont le nom vient du latin populaire pluviarius, « oiseau de pluie ». Les pluviers arrivent en troupe vers la saison des pluies en septembre, et repartent aux premières gelées.
On a aussi à Sens les Champs d’Aloup, c’est-à-dire le champ des Alouettes.
Les volatiles sont bien représentés dans ce secteur sénonais.

Rue des Grahuches

La grahuche, de gravvucia ou gravucca, est un dérivé de la grève.
Augusta Hure précise que Grahuches est un nom très usité dans l’ancien parler sénonais ; il répond à un endroit parsemé de pierres ou de gravier et a son équivalent dans les noms de Chaillots, Chailleux, Chailleuse…
Et comme pour les Grèves, des vignes sont signalées aux Grahuches.
On a à proximité aussi les Grahuches d’Heuré.

Rue des Longues Raies

Les raies désignent les creux du sillon créés par la charrue et elles ont le sens de terres labourées.
Les Longues raies sont donc des parcelles allongées et labourées. 
La vigne était aussi présente en cet endroit.
Les Longues raies sont présentes à Sens, Collemiers, Soucy et Paron.

Rue des Hauts Musats

Si à Sens, il y a les Hauts Musats, Mâlay le Grand a les Bas Musats.
Dans certains documents on trouve Musa ou Muza. Des spécialistes proposent que ce terme soit une variante possible de mura par déformation de la prononciation.  Des études montrent que « ruine » serait le sens de mura, un endroit où il existe des vestiges de murs. Or nous sommes proche du prieuré de Saint-Sauveur qui fut ruiné lors de la Guerre de Cent Ans.

Une autre interprétation possible est liée à la vigne : musat serait une déformation du mot muscat, un raisin présent dans notre région comme l’indique un article de l’almanach de la Ville de Sens pour 1825 : sur les 43 espèces ou variétés de raisins cultivées dans l’arrondissement de Sens, on trouvait quatre variétés de muscat : blanc, noir, rose, d’Alexandrie à très gros grains blancs ovales, et d’Alexandrie à fruits noirs.

Rue Saint Sauveur des Vignes

Saint-Sauveur-des-Vignes est cité depuis l’époque carolingienne : Sanctus Salvator in Vineis, IX° ; Sanctus Salvator, 1127 ; Sanctus Salvator de Vineis prioratus 1229 ; Saint Sauveur les Vignes, 1597 ; Saint Sauveur lez Sens, 1756.
C’était un édifice religieux aux portes de Sens.  

En 1838 Tarbé écrivait : Cette chapelle est située au levant de la ville de Sens, entre la chapelle de Sainte-Béate et la route de Sens à Troyes, au milieu d’un vignoble assez considérable d’où elle aurait tiré son nom. Elle fut fondée en 813, suivant d’autres en 804, par Magnus, archevêque de Sens… fort aimé de Charlemagne… »
« Il entoura cette église d’un cimetière, et en fit le lieu de la sépulture des chanoines ; plusieurs archevêques y ont même été inhumés, à commencer par Magnus, mort en 817 ».

Cette église fut donnée au XII° siècle à l’abbaye de Saint-Jean (devenue plus tard hôpital) et érigée en prieuré. L’édifice, détruit et rebâti à différentes époques, disparut dans le cours du XVIII° siècle. 
Plusieurs fouilles archéologiques ont eu lieu sur ce site. 
L’église et les vignes ont disparu, mais le nom est resté.

Bibliographie locale sommaire

Théodore TARBÉ : Recherches historiques et anecdotiques sur la ville de Sens. 1838
Augusta HURE : Origine et signification de quelques noms de lieux du département de l’Yonne. 
1934
Toponomastique de la région de Sens. 1939-1940
Pierre PARRUZOT : La vigne et le vin sénonais dans l’Histoire. 1969
Sandrine LEFEVRE : Etude microtoponymique du canton de Sens. 1997

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